Une vieille dame de 150 ans au service des autres

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De 1939 à 2002, les sauveteurs ont enseigné la natation à des milliers de Charentais. Photo Sauveteurs de la Charente

Sur les photos jaunies, vêtus de blazers, ils prennent des poses un peu figées autour d’une table garnie de mets en nombre, arrosant comme il se doit une remise de médailles. Les Sauveteurs de la Charente, c’était d’abord une amicale de remise de breloques. « Honorer les personnes qui, au péril de leur vie, ont permis de sauver une ou plusieurs vies humaines. Aider matériellement les courageux sauveteurs victimes de leur devoir. » Ainsi était rédigé l’acte de naissance des Sauveteurs de la Charente, sous la signature impériale de Napoléon III, en … 1865 !

Eh oui, cette année, l’association fête ses 150 ans. Cet âge canonique qui lui confère peut-être de « statut de plus ancienne association de Charente », les sauveteurs, le fêteront dignement en mairie d’Angoulême et en musique avec le concours de la fanfare « L’intrépide » de La Couronne, dimanche. Sauveteurs, ils le sont véritablement devenus en 1939.

5.000 spectateurs aux démonstrations !

Avec le concours du club des nageurs Angoumoisins, ils donnent cette année-là leurs premiers cours de natation, à une époque où les noyades sont légion. « Cet actif groupement a pensé qu’avant de sauver les gens en situation de se noyer, il valait mieux leur donner les moyens de se sortir de l’eau sans besoin d’être aidés » écrit à l’époque le journal La Charente.

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Une partie des soixante Sauveteurs de la Charente, parmi lesquels Jean-Claude Maroleau (deuxième à gauche) et Olivier Verrouil (quatrième à droite). Leurs missions: enseigner les gestes qui sauvent et prodiguer les premiers soins lors des 90 manifestations qu’ils couvrent. Photo Majid Bouzzit

Après guerre, l’association organise de spectaculaires et populaires démonstrations de sauvetage. En 1956, à L’Houmeau, 5.000 personnes assistent aux sauvetages de (faux) noyés dans la Charente, menés par l’hélicoptère de la Protection civile. Une belle pub pour les Sauveteurs qui forment les jeunes nageurs à tour de bras.

« L’enseignement de la natation a commencé dans ce qu’on appelait alors les bains de Bourgines, un bras de la Charente. Et cela s’est ensuite poursuivi dans les piscines municipales angoumoisines » relate Olivier Verrouil, 42 ans. le Président des Sauveteurs de la Charente, employé dans la grande distribution. La naissance de Nautilis, en 2002, rebattra les cartes: depuis, les sauveteurs n’enseignent plus la natation mais continuent à initier aux gestes qui sauvent.
Cette année, 200 personnes ont suivi les cours de premier secours distillés par l’association dont les membres les plus brillants participent même à des compétitions de sauvetage.

Record d’interventions cette année !

Mais le quotidien des Sauveteurs,
association agréée «Protection civile», c’est, depuis 1964, les secours au quotidien, sur les manifestations sportives ou festives à travers la Charente. « Les petits bobos, on les soigne sur place: on refait la peinture » se marre Jean-Claude Maroleau, ancien représentant de commerce, de permanence «quasiment chaque week-end depuis vingt-huit ans» sur les manifestations charentaises en compagnie de son épouse, Anne-Marie.

Cette année, les Sauveteurs de Charente ont même battu leur record en plantant leur tente de poste de secours sur 90 manifestations dans le département. « Des matches sportifs, la BD, les Musiques Métisses, les Nuits Romanes …

De la bobologie donc, mais aussi des interventions sérieuses. C’est le quotidien de l’association qui compte une soixantaine de membres actifs et qu’un médecin accompagne lors de chaque permanence. Leurs deux ambulances prêtes à prendre la route de l’hôpital le plus proche ne servent heureusement pas toujours. « Cette année, on a fait de zéro à 45 interventions selon les jours. Les 45, c’était à Mainfonds pour les montgolfières. »

Des insolations. Des petits malaises. Mais c’est parfois plus musclé. Le plus gros du boulot? « C’est sur les moto-cross » affirme Olivier Verrouil. Au Tâtre, à La Couronne ou à Vouharte: les accidents de moto, c’est souvent du sérieux. Des fractures aux jambes, aux bras, et même des motards dans le coma … Le quotidien de sauveteur, c’est du boulot.

« Je me souviens d’un gars qui était pris dans les rayons de sa roue arrière. Son pied était retourné, pire que dans un film de Charlot’ On a dû couper les rayons pour le libérer. C’est après ce jour-là que j’ai acheté un coupe-boulons » confie Jean-Claude Maroleau.

Si les moto-cross c’est du boulot, il y avait pire à l’époque du grass-track de Marcillac-Lanville, dans les années 1990. Une époque où les normes de sécurité étaient un peu plus lâches. « Des courses de motos sur herbe qui tournaient à l’éthanol, au kérosène et à l’essence. Et les pilotes à la bière, au whisky ou au cognac’ relate Jean-Claude Maroleau. Ils montaient à 140 km/h. J’en revois encore un faire tm tout droit dans les bottes de paille et atterrir 15 mètres plus loin. »

Sauveteurs, c’est aussi et surtout être humain. Pour savoir désamorcer quelques situations chaudes. Comme lors d’une édition de Musiques métisses: « On s’est occupé d’un gars qui grimpait sur les remparts et ne voulait plus en descendre. On a dû parlementer pendant une heure’ Des fois, on se dit qu’on aurait aussi besoin d’un psychologue dans l’équipe. »

100% dévoués, 100% bénévoles, les sauveteurs touchent pour unique salaire celui «du sentiment du devoir accompli, résume Olivier Verrouil. « Quand on a effectué une intervention, qu’on a aidé une victime, on rentre chez nous avec l’impression d’avoir été utile. »